Interfaces

2011/02/02 | Simon Rodriguez |

Lorsque l'on s'intéresse à l'informatique et au graphisme, il existe un élément où ces deux thèmes se réunissent. L'interface. Mais qu'est ce qu'une interface ? De manière générale, il s'agit d'une zone, d'une ligne de contact, d'échanges et d'interactions entre deux éléments. Les principaux domaines où l'on emploie ce terme sont la géographie, la physique, et l'informatique. Dans ce dernier cas, il existe de nombreux types d'interfaces, mais nous allons ici nous concentrer sur l'interface homme-machine couramment appelée GUI (Graphical User Interface). Celle-ci permet à l'homme de donner des ordres et des indications à la machine, et à la machine d'afficher des résultats et les propositions à l'attention de l'homme. Autrement dit, c'est ce que nous utilisons tous les jours, ce qui s'affiche à l'écran.

Lorsque les sociétés Xerox et consoeurs mettent au point les premières interfaces graphiques dans les années 1980, il s'agit de proposer une alternative intuitive à la ligne de commande ; c'est l'époque des premiers ordinateurs individuels, qui se voient alors dotés d'interfaces en noir et blanc sur des écrans de quelques centaines de pixels de côté. Le matériel informatique gagnant en puissance, les interfaces se sont améliorées, passant en couleur, gagnant en effets. La puissance des ordinateurs et des appareils portables actuels permet ainsi des coquetteries visuelles qui améliorent l'expérience utilisateur. Le développement conjoint, l'optimisation, tant de la partie matérielle que constituent les cartes graphiques, les écrans, les processeurs, la mémoire vive, et de la partie logicielle (grâce à des ressources spécialisées tel DirectX pour Windows, OpenCL/GL pour les systèmes GNU/Linux, renforcé par Quartz et Core Graphic/Animation sous Mac OS X), laisse aujourd'hui aux développeurs toute latitude pour monter des projets ambitieux avec une interface efficace.

En effet, les systèmes d'exploitation (OS) s'ouvrent de plus en plus vers à la programmation orientée-objet, qui autorise les développeurs à se focaliser sur l'interface graphique, à bâtir leurs applications autour de l'expérience utilisateur. Les marchands d'OS mettent ainsi à la disposition des programmeurs des fonctions (API) graphiques optimisées, et leur fournissent des kits de développement (SDK) pour les différentes plate-formes proposées, qu'elles soient fixes ou mobiles. Parce que l'ouverture des interfaces aux smartphones a apporté de nouvelles possibilités, et influence l'orientation des interfaces fixes. Il peut être intéressant de se pencher sur un exemple, une interface d'OS, et remarquer quelles tendances semblent s'en dégager. Comme on ne parle bien que de ce que l'on utilise quotidiennement, je vais me pencher sur les interfaces des systèmes Mac OS et iOS, fondés sur une même base.

Mac OS, c'est avant tout une interface dont les concepts sont hérités des premières versions du système (2001), et de l'interface Aqua. Boutons gélules, barre de menus fixe qui s'adapte à l'application lancée, Dock pour les raccourcis, aspect gris métallisé des fenêtres, boutons feu tricolore en haut à gauche. Mais l'apport de cette interface, et son intérêt, c'est qu'elle conserve sa cohérence à travers les diverses applications. En effet, Apple a su fournir moult règles de création d'interfaces, et des éléments tout-faits modulables, qui s'adaptent à la volonté du développeur. Ainsi, que l'interface soit au coeur d'une application ou qu'elle soit simplement considérée comme un contenant pour le programme, chaque éditeur y trouve son compte.

Ces constantes dans les applications, qu'elles soient purement graphiques, comme certains boutons, la colonne de catégories, la barre d'outils, ou bien plus informatives (Menus Aide, Préférences...) permettent à l'interface de rester stable, fixe, cohérente, ce qui peut donc rassurer l'utilisateur et simplifier son adaptation. En effet, les réflexes acquis avec un logiciel seront identiques dans un autre. Un exemple simple est celui des raccourcis clavier, qui sont des constantes à travers tous les programmes. Ce souci de cohérence se retrouve bien entendu dans quasiment tous les systèmes, mais est ici extrêmement poussé, puisqu'il conditionne toute la relation entre l'utilisateur et son outil, à travers toutes les applications.

Dans iOS, cette unité est encore plus prononcée. Les outils de développement standardisent l'interface graphique, offrant des boutons universels, des fonctions qui restent fixes, suivant la même logique, avec des pictogrammes de référence. De la même manière, Windows Mobile 7 a su proposer une interface avec un parti pris spécifique, une cohérence bienvenue pour l'utilisateur. Le bât blesse quelque peu pour Android, qui souffre ici de son ouverture, par ailleurs respectable. Mais les interfaces pour portables présentent d'autres particularismes. Tout d'abord, on passe d'un système de pointage relatif sur ordinateur (on déplace le curseur pour atteindre un bouton), à un système absolu (on pointe du doigt ou avec un stylet le bouton). Ce passage à l'absolu permet de rapprocher l'utilisateur de l'application, rapprochement renforcé bien entendu par la portabilité de ces appareils. L'écran tactile impose aussi des éléments qui ont une taille spécifique, qui peuvent être cachés par un doigt sans perdre de leur utilité. Le développement d'applications doit aussi composer avec les gestes d'interactions, tel le défilement inertiel, la rotation, l'agrandissement par écartement de deux doigts.

Et, puisque ces systèmes se miniaturisent, adoptent la taille des outils qu'ils remplacent (journal, bloc-notes), ils en prennent aussi l'apparence. Ainsi, on assiste à l'émergence de nombreux logiciels dont le graphisme réaliste est très travaillé : agenda, bloc-notes, carnet d'adresse, bibliothèque, tant sur iOS (sous l'impulsion d'Apple elle-même), que sur Mac OS (la Delicious génération, du nom d'un logiciel de gestion de bibliothèques qui a amorcé le mouvement). Les développeurs rivalisent en graphismes, textures photo-réalistes, effets d'ombrage, textes incrustés. Ces éléments de pure apparence sont encore enrichies par des transitions en trois dimensions, des évènements sonores, etc. Qui renforcent la concentration de l'utilisateur sur sa tâche, lorsqu'ils sont utilisés avec modération.

Par opposition, certaines interfaces s'épurent, deviennent très discrètes et s'effacent alors pour sublimer le contenu de l'application, ou font preuve de choix graphiques assumés. Des interfaces qui, délestées de contraintes autres que celles du respect de l'utilisateur (user-friendly), trouvent leur pleine réalisation et ouvrent la voie à de nouveaux canons graphiques. Mais dans tous les cas, l'expérience de l'utilisateur s'en trouve améliorée ; un équilibre entre similitudes et particularités des différentes applications qui se trouvent sur un même appareil s'établit. On parvient ainsi à une diversité cohérente des interfaces des logiciels, placées sous la férule de l'interface du système, qui donne le la en quelque sorte.

Un autre élément qui favorise la focalisation sur une tâche (et donc la productivité), est la petitesse des écrans, qui force à n'avoir qu'une seule fenêtre active. Le multitâches sur ces appareils est donc purement placé en arrière-plan, pour des actions qui s'inscrivent dans la durée sans recourir à l'intervention de l'utilisateur. Et est-il encore besoin du multitâches visuel lorsque les applications s'ouvrent, sauvegardent et se ferment quasi-instantanément ? De plus en plus d'applications efficaces se focalisent ainsi sur une unique fonction, servie de manière poussée, à travers une interface intuitive.

Finalement, on constate que les différents systèmes, les interfaces dans toute leur variété, apportent toujours des améliorations, de nouveaux concepts qui, par un retour sur eux-mêmes, viennent les enrichir, au bénéfice de l'utilisateur. Ce cercle vertueux se retrouve par exemple chez la firme à la pomme, l'interface de Mac OS X ayant inspiré celle de l'iPhone, qui a ensuite évoluée en se transposant sur l'iPad ; l'iPad, dont les particularités graphiques commencent à s'immiscer dans les logiciels Mac. Ce mouvement a été initié par Apple, lors de sa présentation de la prochaine version du système Mac OS X, et a rapidement été suivi, notamment grâce à l'ouverture du Mac AppStore, qui a attiré vers le Mac de nombreux développeurs iOS, amenant leurs codes de conceptions, leurs modèles d'applications, leurs concepts d'interfaces issues du monde mobile. Les systèmes tendent ainsi vers une simplification fonctionnelle, une transformation graphique, qui ne doit cependant pas se faire au détriment de l'utilisateur confirmé ou professionnel, aux attentes plus poussées.